Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES

n°29 - Novembre 2017

Étude démographique du football européen (2009-2017)

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

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1. Introduction

Ce nouveau Rapport Mensuel analyse l’évolution démographique du marché du travail des footballeurs en Europe. L’étude couvre les thématiques de la formation (joueurs formés au club), de l’internationalisation (footballeurs expatriés) et de la stabilité (joueurs recrutés en cours d’année). À l’heure actuelle, l’Observatoire du football CIES est le seul organisme en mesure de présenter une telle analyse.

Les indicateurs statistiques passés en revue nous permettent de comparer les politiques poursuivies par les clubs pour composer leurs effectifs tant sur un plan temporel que spatial. L’échantillon se compose de 466 équipes participant à 31 ligues de première division d’associations membres de l’UEFA. L’étude s’étend sur une période de neuf ans entre 2009 et 2017*.

[* Voir aussi le Rapport Mensuel 19 (2016)]

Pour être pris en compte, un footballeur devait être présent au 1er octobre dans l’effectif de la première équipe des clubs analysés. De plus, il devait avoir déjà joué en championnat lors de la saison en cours ou, le cas échant, avoir disputé des rencontres dans des championnats adultes lors de chacune des deux saisons précédentes. Les deuxièmes et troisièmes gardiens ont été pris en compte dans tous les cas.

Figure 1 : échantillon de l’étude (01/10/2017)

2. Formation

L’analyse de la thématique de la formation se base sur la définition de joueur formé au club conçue par l’UEFA et reprise par de nombreuses ligues nationales afin d’encourager l’emploi de footballeurs locaux. Les joueurs formés au club sont ceux ayant passé au moins trois ans entre 15 et 21 ans dans leur équipe d’appartenance.

Entre 2009 et 2017, la part de joueurs formés au club dans les effectifs des équipes analysées est passée de 23,2% à un nouveau record négatif de 18,5%. Il s’agit de la huitième année de baisse consécutive. Ce résultat traduit l’intensification de la mobilité des footballeurs, ainsi que l’inefficacité des mesures mises en place pour encourager l’emploi de joueurs formés localement.

Figure 2: évolution de la part des joueurs formés au club dans les effectifs (2009-2017)

Dans une seule ligue, la première division slovaque, les joueurs formés au club représentent plus d’un tiers des effectifs. En 2017, un nouveau record négatif a été enregistré dans neuf championnats, dont la Süper Lig turque. À l’opposé, aucun record positif n’a été observé. Le part de joueurs formés au club est inférieure au dixième dans quatre pays : Turquie, Portugal, Italie et Belgique.

Figure 3: % de joueurs formés au club, par ligue (1er octobre 2017)

3. Expatriés

La notion d’expatrié définit les joueurs ayant grandi en dehors de l’association nationale de leur club d’emploi et étant partis à l’étranger pour des raisons footballistiques. Cette définition permet d’isoler les migrations directement liées à la pratique du football. En effet, les joueurs d’origine étrangère ayant grandi dans l’association de leur équipe d’appartenance ne sont pas considérés comme expatriés.

Lors de la période prise en compte, la part d’expatriés dans les effectifs a augmenté de manière constante : de 34,7% en 2009 à 39,7% en 2017. Dans ce cas aussi, il s’agit d’un nouveau record. L’accroissement s’est même accéléré lors des deux dernières années : +1,1% par an depuis 2015, contre environ 0,5% par an lors des six années précédentes.

Figure 4: évolution de la part des joueurs expatriés dans les effectifs (2009-2017)

La Turquie a dépassé Chypre en tant que pays avec le championnat composé par le plus fort pourcentage de joueurs expatriés : 65,6%. Cette proportion est d’au moins 50% dans sept ligues, dont la Premier League anglaise et la Serie A italienne. Les expatriés représentent moins de 25% des effectifs dans deux pays seulement : la Serbie et l’Ukraine.

Figure 5: % de joueurs expatriés, par ligue (1er octobre 2017)

4. Stabilité

Afin de mesurer la stabilité des équipes, nous avons calculé le pourcentage de joueurs recrutés par leur club d’emploi lors de l’année du recensement. Les footballeurs ayant intégré l’équipe première directement depuis le centre de formation du club n’ont pas été considérés comme des nouvelles recrues.

Entre 2009 et 2017, le pourcentage de nouvelles recrues dans les effectifs des clubs analysés a fortement augmenté. Il est passé de 36,7% à 44,8%. En 2017, un nouveau record a été enregistré dans 11 des 31 pays analysés : Belgique, France, Hongrie, Israël, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Russie, Suède et Ukraine. Ce résultat reflète l’accélération de la mobilité sur le marché du travail des footballeurs.

Figure 6: évolution de la part de nouvelles recrues dans les effectifs (2009-2017)

Au 1er octobre 2017, les joueurs recrutés en cours d’année représentaient plus de la moitié des effectifs dans huit championnats, dont la Primeira Liga portugaise (57,6%). À l’autre extrême, les clubs avec les contingents les plus stables se situent en Bundesliga allemande (30,9%) et en Premier League anglaise (33,3%).

Au fil du temps, la stabilité est devenue un luxe que peu de ligues ou de clubs peuvent se permettre. Les écarts entre championnats traduisent aussi différentes approches dans la manière de concevoir le business du football. Si des divergences régionales persistent, spéculer sur le transfert de joueurs est devenue une activité courante dans plus en plus d’équipes d’un nombre croissant de ligues à travers l’Europe.

Figure 7: % de nouvelles recrues, par ligue (1er octobre 2017)

5. Conclusion

Notre analyse confirme l’accélération de la mobilité des joueurs sur le marché du travail des footballeurs. Les contingents des équipes sont de plus en plus instables. De plus, la mobilité intervient de manière de plus en plus précoce au cours de la carrière des joueurs. La baisse continue et importante de la part de footballeurs formés au club au sein des effectifs reflète ce processus.

La mobilité des joueurs déborde aussi de plus en plus les frontières nationales. L’augmentation constante du pourcentage d’expatriés reflète l’internationalisation de plus en plus poussée du marché du travail européen des footballeurs. Cette situation avantage surtout les clubs et les ligues les plus puissantes, qui sont à même de concentrer les meilleurs joueurs indépendamment de leur origine.

La régularité des tendances observées permet d’affirmer qu’un réel changement a cours dans le football de haut niveau européen. La grande question demeure de savoir jusqu’où ce processus peut aller sans mettre en péril l’intérêt des compétitions, miner la crédibilité du football professionnel et compromettre son bon développement dans une majorité de pays.

 

 

 

Rapport mensuel n°29 - Novembre 2017 - Étude démographique du football européen (2009-2017)